Fruits cueillis en fin
d'été
Il existe une
pomme qui, en fin d'été,
est grise,
terne, au
toucher rugueux, etc...
Son aspect n'attire vraiment pas le regard.
Compte tenu de la longueur
de ses sépales, elle ressemblerait à
ce pourrrait être un kaki à la même
époque, c'est à dire pas du tout mur.
On a dit que ce fruit "se rend alors coupable du délit
de
sale gueule".
Mais...
Quelques mois
plus tard, le fruit s'est transformé. Il s'est
paré de couleurs qui rendent son aspect plutôt
attrayant, sa chair est tendre, il reste de bon calibre, mais surtout,
son
goût est extraordinaire. Une telle saveur est peu commune.
Il s'agit sans
conteste d'une des meilleures pommes angevines.
Ce fruit se
nomme 'Pomme de la Rouairie'.
Il a plusieurs synonymes : "Fenouillet de Ribours", "Fenouillet de
Ribou(rg)", "Fenouillet (tendre, de)
Bossoreille", "Fenetillou", "Grise du Lion"...
Cette pomme
avait
été décrite par André Leroy
en 1873 et quelques années plus tôt (1849) par le
Comice Horticole d'Angers (en fait, il s'agit de la seule pomme qui a
eu cet honneur, signe de sa très valeur gustative).
Selon
André Leroy, cette variété avait
spontanément poussé dans la jardin de la
Rouairie, habitation située au Lion d'Angers chez un certain
monsieur de la Perraudière. Ses premiers fruits dataient de
1840.
Rapidement Madame de Bossoreille, qui habitait le château
voisin de Ribou, l'a aussi faite connaître (est-ce pour cette
raison qu'elle avait aussi été nommée
'Fenouillet de Ribourg' et qu'on la trouve sous le nom de 'Fenouillet
(de) Bossoreille' ?).
Sa
recherche s'est avérée fructueuse et
est assez épique.
Elle est
longtemps restée oubliée, comme en attente au
conservatoire de Brogdale, en Angleterre.
En 1948, elle avait fait partie du lot des
variétés
conservées à la Station Fruitière
d'Angers qui y avaient été envoyées.
A l'époque, il fallait créer de la place pour
désormais, nous
étions au lendemain de la Guerre, se consacrer uniquement
à la culture des variétés
américaines. Les « années
obscures » débutaient...
Depuis, elle est revenue en Anjou (en
"accès restreint") .
Dans le cadre du projet CorePom, une
analyse ADN a récemment été
effectuée.
A ce stade, une unique analyse ne peut pas authentifier une pomme.
Même si la traçabilité ne peut
guère être remise en cause, le nom au
départ attribué à la pomme peut
être erroné, la source d'origine peut
être sujette à l'erreur, etc.
L'idéal
serait de retrouver localement un fruit qui y correspond.
De fait, Il existe une pomme très
locale, encore un peu cultivée justement tout
près du Lion d'Angers,
qui reconnaissons-le, était restée un
peu
négligée.
Déjà, il y avait une hésitation sur
son nom :
"Grise de Lyon" ou "Grise du Lion"...
Elle avait tout de même été
greffée il y a 2-3 ans pour être
cultivée dans le
jardin de quelques-uns de nos adhérents. Finalement, la seule
chose dont on était certain est qu'elle
est très bonne.
Pour essayer d'en savoir plus, une analyse de son ADN a aussi
été effectuée.
Elle a confirmé ce qui était constaté
visuellement:
Il est identique à celui
de la pomme de la Rouairie qui vient d'Outre-Manche !
Sa
dénomination a pu ainsi être redéfinie.
Il s'agit bel et bien 'Grise du
Lion'.
Elle correspond effectivement
fidèlement à la description qu'en avait faite
Leroy (la forme pentagonale et bosselée de ce
fruit est caractéristique). Comme quoi, les moyens modernes,
utilisés
à bon escient peuvent nous donner des renseignements qui
étaient restés jusque-là
inaccessibles. Rien de tel que de partir d'une source locale, de la
conserver à l'étranger, en maintenant son nom
français de manière à ce que peu de
gens l'échangent… Le fruit est resté,
même après 50-60 ans dans son état
originel. À la limite mieux que s'il avait
été conservé sur place (avec tous les
aléas liés aux échanges
réguliers de
greffons).
Les 2 fruits d'origines différentes sont identiques et correspondent à la description
qu'en avait faite André Leroy.
De plus, il se
trouve que cette
variété est aussi présente dans
le Loiret et y a été
décrite.
On l'y surnomme du nom très peu flatteur
de 'Pomme crapaud'.
Description
du 45
Sans doute que cette dénomination est en
rapport avec l'aspect que cette pomme, qui lorsqu'elle est
encore loin
d'être mûre fait effectivement penser à
la peau de l'animal.
Elle aussi faisait partie du projet CorePom : ce qui semblait
être le cas compte-tenu des similitudes des fruits
(comparaison visuelle à Limoges en 2013), a
été confirmé : l'ADN est
identique à celui des précédentes !
Dans ce cas, le crapaud a été finalement
transformé en prince charmant, sans doute suite à
un
baiser de la déesse Pomone.
Un fruit qui a
difficilement les faveurs des arboriculteurs. Comme quoi
le bon goût ne fait souvent pas
partie du « panier
de la ménagère ».
Plusieurs
sources génétiques
sont de fait disponibles. Sa population peut être
considérée comme suffisante. Sa
réintroduction
redémarre. De par ses qualités, elle s'imposera
ensuite d'elle-même. Un petit coup de pouce devrait suffir...
André
Leroy
"Dictionnaire de pomologie" tome 4 pp 776, 777 (1873)
Travaux du Comice Horticole de Maine-et-Loire volume 29 pp 18, 19 (1849)
|