Pour notamment
les conserver, les fruits étaient
souvent séchés par passage au four :
prune, poire, pomme,
abricot, etc.
On les désignait alors souvent comme "fruits
cuits". Ils entraient
toutefois dans la large catégorie des "fruits secs".
La
région disposant de bons fruits et d'une "voie de
commerce
majeure", La Loire, ce qui ne pouvait souvent être
fabriqué
ailleurs qu'à une échelle familiale y est
devenu une
industrie florissante.
La production
puis le commerce des fruits secs (on ne pouvait guère exporter
des fruits frais avant l'avénement du Chemin de
fer) a
été une tradition pendant des siècles.
A ce sujet, on ne peut pas dissocier les Provinces d'Anjou et de
Touraine, voire de la partie du Poitou située le
long à la Vienne.
On dit
généralement que la technique de
déshydrater un fruit par passage au four a
été
introduite dans la région par les gens de la cour
d'Aliénor d'Aquitaine au XIIème. Le traitement
qui a
d'abord été appliqué aux prunes a
été adapté aux autres fruits locaux,
y est
même
devenu un
savoir-faire élaboré.
Les pruneaux
dits "de Tours" ont
ainsi été une référence
pendant des
siècles.
Que dire des poires et pommes
tapées ?
De par sa
position statégique proche
de la confluence de La Loire et de La Vienne, la ville de Saumur a su notamment
tirer profit de
tous les fruits qu'on y apportait : prunes, abricots, amandes, noix,
poires, pommes, etc
Ensuite ces produits prenaient la "route de La Loire" auxquels
s'ajoutaient tous ceux produits en Anjou (ils transitaient souvent par
Angers), pour aboutir finalement au port de Nantes. En
prévention du
scorbut,
iI était inconcevable pour n'importe quelle flotte
européenne, qu'un navire appareille sans emmener une
provision de
fruits secs. On en exportait en quantité.
D'autres
fruits "partaient dans l'autre sens" pour terminer sur les
étals parisiens. Ainsi la ville de Tours contrôlait une importante partie du
marché
intérieur français.
Les
écrits ayant trait aux habitudes alimentaires d'antan, nous
en disent beaucoup des traditions locales.
Voici des extraits du "Bulletin historique et monumental de
l'Anjou"
de 1867-68 , précisément de l'article
"Réceptions et galas en Anjou" :
Lors
de la
Guerre de Cent ans, vers 1424, Yolande d'Aragon (femme "de pouvoir"
influente, Duchesse consort) :
inquiète
des ravages qui se commettaient sans cesse dans le
Duché d'Anjou, pria son gendre Charles VII de venir visiter
sa Province et de mettre ordres aux incursions des anglais. [...] Il
commença la visite du Duché par la ville de
Saumur. [...] Ce
qui
surprit fort le Roi, ce furent deux magnifiques pyramides de
fruits secs, que Charles VII attaqua plusieurs fois, et il ordonna
lorsqu'il quitta Saumur, aux gens de sa maison, de faire provision de
ces comestibles.
Nous pouvons
donc établir d'une manière certaine
que l'industrie des fruits secs, qui a rendu de nos jours les
industriels saumurois plus que millionnaires était
déjà très en vogue au XVème. [...]
Jacques
Bruneau (sieur de Tartifume), un chroniqueur local, rapporte en 1626
dans son ouvrage Philandinopolis
: qu'en une année l'Anjou a produit 1,8 million de
francs de l'époque de pruneaux. Puis le même
auteur ajoute : "l'an 1550, il y avait à Angers un
certain
Jehan Baffer qui ne trafiquaient que des pruneaux, soit en Angleterre,
Flandre, Espagne ou Italie". Il amassa
tant de biens en ce trafic,
qu'on disait alors pour assurer qu'un homme était
très riche :
"Il
est riche
comme
Baffer, mais
il n'a pas tant de pruneaux".
"L'industrie
du fruit cuit" a depuis lors
cessé d'exister. En Anjou, la dernière de ces
activités fut sans doute celle de la pomme
tapée. Elle perdura jusqu'au début du
XXème. Quelques passionnés tentent
aujourd'hui de faire revivre ce
passé.
Plusieurs
musées rappellent ce temps jadis :
- celui de la poire tapée à Rivarennes
(37)
- celui de la pomme tapée à Turquant (49)
- celui de l'amande et du macaron à
Montmorillon (86)
- et celui
du pruneau à ... Lafitte-sur-Lot
(47). A priori, ceux d'Agen ont comme
supplantés les autres ;-)
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